Dictionnaire historique de la Résistance, sous la direction de François Marcot
Par AG le mardi 21 juin 2011, 07:54 - Nous avons lu - Lien permanent
René
Castille avait établi une fiche de lecture critique très importante,
consacrée à ce dictionnaire, nous l’avons donc mise en ligne tout
naturellement.
DICTIONNAIRE HISTORIQUE DE LA RESISTANCE
Il
a été réalisé, dans le cadre de la Fondation de la Résistance, sous la
direction de François Marcot (1), avec la collaboration Bruno Leroux
(2) et de Christine Levisse-Touzé (3), assistés par un « Comité
Scientifique » de 10 membres (éminents comme il se doit) et une
centaine de collaborateurs, pour la plupart universitaires, réputés «
spécialistes » du sujet faisant l’objet de leur communication. Quelques
absences toutefois : celle de René Rémond, Président de la commission
historique de la Fondation, Henri Rousso actuel directeur de l’Institut
d’histoire du temps présent (IHTP) et Jean-Pierre Azéma, spécialiste
bien connu de la période. Hors Jean-Louis Crémieux-Brilhac (France
Libre), Il n’est pour aucun fait mention d’appartenance à la
Résistance, même si certains ne sont plus très jeunes et ont pu vivre
la période comme enfants ou ados. Il n’est à aucun moment, fait mention
de consultation de résistants survivants.
Le Dictionnaire
(4) imprimé sur papier « bible » compte environ 1200 pages, Textes en
corps 9 (?), une ou deux colonnes par page, donc une masse considérable
d’informations. Compte tenu de l’ampleur du sujet on peut estimer que
c’est peu ou beaucoup. La formule adoptée est un choix. L’avenir dira
si c’était le meilleur possible. En tout état de cause, cet ouvrage «
bloque », sans doute à jamais, toute nouvelle perspective d’une
histoire globale de la Résistance Française. C’est là une bien lourde
responsabilité.
L’ouvrage comprend 4 grands chapitres, chacun associant une vue d’ensemble et des pages de « dictionnaire » :
- Regards sur la Résistance et la France Libre
- Acteurs et territoires
- Évènements et actions
- Les résistants. Leur temps et le nôtre.
C’est
un choix éditorial, respectable comme tout choix, mais nous avons
tendance à penser que l’histoire de la Résistance n’est pas un gâteau
(ou un camembert) que l’on découpe au gré des opportunités, mais un
ensemble de faits qui ne sont compré-hensibles que dans leur ordre
chronologique et leur contexte géographique, économique, sociologique.
Nous avions en d’autres temps, spécialement, à l’occasion des grands
colloques de l’IHTP, parlé d’une tendance au « saucissonnage » par
thème et regretté que l’histoire nationale de la Résistance française
soit trop souvent le fruit d’une volonté de faire entrer ses diversités
dans une globalité centralisatrice bien française, en ignorant les
spécificités sectorielles.. Nous persistons aussi à considérer que la
recherche historique est un constant rappel à l’humilité, constat
d’évidence bien peu partagé.
Peut-être ne sommes-nous pas les
mieux placés pour présenter une analyse critique de l’ouvrage. Nous
avons assisté aux grands colloques de l’IHTP (et parfois exprimé des
réserves.) Nous avons écouté avec attention les communications des
intervenants, lesquelles se retrouvent pour partie dans leurs ouvrages
et maintenant dans le Dictionnaire. Les différences d’appréciation
viennent de notre qualité d’acteurs et des difficultés qu’ont les
historiens à imaginer notre vécu. Certains essaient de nous comprendre,
voire s’intéressent à nos travaux, nous témoignent leur sympathie.
D’autres nous prennent pour des « rigolos » ou des « fossiles », et
nous toisent du haut de leur condescendance.
La brève (et
incomplète) présentation ci-après va respecter l’ordre des chapitres en
mettant en relief ce qui concerne la Creuse (rien ou presque) et le
Limousin, (bien peu de choses). D’abord, deux observations
préliminaires :
- Le Dictionnaire de la Résistance commence par
une chronologie qui débute le 10 mai 1940, ce qui signifie qu’il ignore
les causes et les origines de la guerre, sans lesquelles il n’y aurait
pas eu la défaite, l’armistice et l’occupation, dont la Résistance
n’est que la conséquence. Même omission pour le vote du 10 juillet qui
mit fin à la République et permit la création de l’Etat Français. Les
historiens universitaires évoquent, souvent à juste titre, « le temps
long. » En la circonstance il font l’impasse sur la période de l’entre
deux guerres en France, en Allemagne et en Europe. Pourquoi ? Il n’est
jamais d’effets sans cause et de causes sans responsabilités. La
position adoptée permet d’exonérer de leur inconscience et de leur
incompétence ceux qui ont conduit la France (victorieuse en 1918) au
désastre.
- L’ouvrage comporte différentes cartes géographiques,
inclus celle distinguant les « régions », A, B, C, D, M, et P pour la
zone Nord (mais pas les sous-régions), R.1, R.2, R.3, R.4, R.5 et R.6
pour la zone sud, lesquelles correspondaient alors aux « régions
administratives » de Vichy et aux EMP des services d’occupation
allemands (MBF.) Vouloir faire coïncider ces régions avec les régions
actuelles, relève au mieux de l’inconscience, au pire … (à chacun de
choisir son adjectif.) L’histoire a vocation à rendre compte de ce qui
a existé, pas d’en « fabriquer » une nouvelle version, au gré d’une
vision personnelle ou d’opportunités de circonstance.
LA CHRONOLOGIE
(sur deux colonnes) distingue d’une part le contexte national et
mondial, de l’autre la Résistance nationale et la France Libre. On voit
bien la facilité typographique, mais un répertoire sur 4 colonnes :
Contexte international, France Libre, Vichy, Résistance. (6) A défaut
l’utilisation de caractères différents ou simplement de l’italique et
du gras aurait rendu le tableau plus « lisible. »
La
chronologie de l’après 10 mai 40, ignore la débâcle qui précipita sur
les routes 6 à 8 millions de réfugiés, hommes, femmes, enfants,
vieillards et les restes d’une armée en déroute. Ce fut pourtant un
drame hors du commun. Et il y eut ultérieurement ceux qui ne furent pas
autorisés à repartir. Les bombardements et mitraillages du 19 juin
postérieurs à la demande d’armistice : dans l’Allier, l’Indre, la
Creuse, la Haute Vienne, etc., spécialement l’attaque des colonnes
réfugiés, qui firent des centaines de victimes innocentes, n’ont pas
davantage droit à mention.
Des lois d’exception de 1940 et des
lois organiques de Vichy qui installent la Révolution nationale, sans
oublier la Légion et les textes concernant l’école, il n’est guère de
traces. En 1941, « les accords de Paris », le second statut des Juifs
et les textes complémentaires, la création des sections spéciales, les
prestations de serment, spécialement celles des magistrats le 1er
septembre, ne figurent pas davantage dans cette chronologie. Les
conditions de vie des Français ? Selon la zone et les conditions
particulières à chacune, selon l’environnement économique ? Apparemment
sans intérêt. Nos éminents historiens n’ont d’évidence pas connu la
faim et les contraintes de l’occupation.
Dans la phase finale de
cette chronologie, mêmes approximations : Le 7 juin 1944 « Les FFI
investissent Tulle » Non ! Les FTP seulement. Simple erreur ? Le 8 «
les FFI libèrent Nantua et Oyonnax. » Le 9 « pendaisons à Tulle par une
colonne de la division Das Reich. » Le 16 août : « Libération de Brive.
» Le 21 août « les FFI de Guingouin libèrent Limoges. » Le 25 août : «
la 2ème DB de Leclerc et la 4ème DI américaine libèrent Paris. » Les
opérations et les exactions du Gpt Brehmer en R. 5 ? Inconnues ? A
Guéret et en Creuse, ni le 7 juin, ni dans les jours suivants, il ne
s’est rien passé !!!
1 – INTRODUCTION. REGARDS SUR LA RESISTANCE ET LA FRANCE LIBRE.
Elle ne comporte pas moins de 50 pages présentant 5 chapitres sous 6 signatures :
- Les grandes étapes de la Résistance
- La France Libre, la Résistance et la France
- Systèmes d’occupations et pouvoirs
- Qu’est-ce que la Résistance ?
- Les résistants dans leur temps.
A
chacun son appréciation mais il est sans doute, parmi les derniers
survivants, des résistants qui auront des difficultés à retrouver leur
vécu. A trop vouloir généraliser on risque l’erreur et à trop vouloir
prendre de distance et de hauteur on risque le flou. Il est aussi des
découvertes qui nous laissent perplexes : « Mao théorise la guerre
révolutionnaire dès avant la seconde guerre mondiale et après 1945 les
luttes de libération nationale des peuples colonisés sont d’inspiration
marxiste ou populiste. »
Ou encore : « La crise de 1968 voit
également surgir une nouvelle résistance populaire qui s’inspire de la
Résistance Française et du maoïsme réunis… » Sauf erreur – mais nous
sommes si vieux – il nous semble avoir combattu pour la Liberté, pas
pour la Révolution. Aurions-nous été maoïste sans le savoir ? Et en
1968, nous n’avons pas davantage reconnu, dans la grande pagaïe du
moment, notre Résistance à l’occupant. Sauf erreur encore, tout a
commencé en mars par la revendication de l’étudiant Cohn-Bendit
exigeant, pour son université, le libre accès des garçons aux dortoirs
des filles (présumées consentantes.) Même le programme du CNR, jugé par
certains comme « très avancé » n’allait pas jusque là !!! Ce n’est que
plus tard qu’apparut la fameuse formule : « Il est interdit
d’interdire. » Beaucoup plus facile à retenir que les bases de notre
morale ou les règles élémentaires de notre grammaire.
Nous
évoquons souvent les hommes et les structures. Dans la Résistance que
nous avons vécue, ce sont les hommes qui ont transcendé les structures,
se sont imposés par leur qualités propres, leur intelligence, leur
courage, leur exemplarité, leur « charisme,» leurs capacités à être des
« chefs » dans l’action. Souvent, des groupes de sympathisants ne se
sont engagés qu’après avoir trouvé « leur » chef. Nous parlons
évidemment des combattants, de ceux qui ont agi, risqué leur vie, pas
des parleurs et conseilleurs, en général plus occupés à leurs ambitions
ou leurs prébendes d’après libération qu’à la libération elle même. Les
chefs de la Résis-tance, les « vrais », les « purs », furent presque
toujours des hommes nouveaux qui n’avaient pas été compromis dans le
système précédent et rejetaient, comme leurs jeunes troupes « les
politiques qui nous ont mis dans…. » Curieusement nos historiens
d’aujourd’hui ont bien des difficultés à imaginer cette situation.
PREMIÈRE PARTIE — ACTEURS ET TERRITOIRES.
Sur 37 pages, ce chapitre présente 5 sujets traités par 5 auteurs :
- La Résistance individuelle et collective
- Les liens entre des deux Résistances
- Géographie de la Résistance intérieure
- Géographie de la Résistance extérieure
- La Résistance et les Alliés.
Les
anciens Résistants y trouveront ce qui leur a sans doute échappé dans
leur propre vécu ? Le résistant de base n’a eu, en général, qu’une
vision partielle ne dépassant guère le champ d’action de son unité, au
mieux les limites de son département, exceptionnellement de sa région,
quant il a entendu parler du DMR, des responsables des parachutages,
voire du chef de la mission interalliée (Jedburgh), tous personnages
mystérieux qui ont – ou sont supposés avoir – la possibilité de faire «
pleuvoir » des armes tant attendues.
Cette première partie est
suivie du Dictionnaire qui traite successivement, en 458 pages et 5
chapitres, des activités de la Résistance.
- Mouvements, réseaux et structures. (164 pages en 5 sous-chapitres) :
- Repères,
- Mouvements,
- Réseaux
- Organisations civiles et militaires de la Résistance intérieure..
- Organisations civiles et militaires de la France Libre.
- Territoires et régions (82 pages) en 3 sous-chapitres :
- Territoires de la Résistance
- La Résistance dans les régions
- Les territoires de la Résistance extérieure.
- Hommes et Femmes. (214 pages en 3 sous-chapitres) ?
- Combien étaient-ils ?
- Avertissement
- Biographies.
Nous
entrons ici au cœur de la Résistance. Chaque chapitre ou sous-chapitre
présente en principe ses informations par ordre alphabétique mais il
est parfois bien difficile de discerner dans quel chapitre se situe
l’information recherchée. Quelle est la différence entre « les
mouvements » et « les organisations civiles et militaires » ? A titre
d’exemple, le premier sous-chapitre : « Repères », nous éclaire sur le
BCRA que nous aurions normalement recherché dans « Les organisations
civiles et militaires de la France Libre et les « réseaux » se trouvent
entre les « partis politiques » et le SOE, lequel précède les «
syndicats. » Il y a vraisemblablement dans ce découpage une raison qui
nous échappe.
REPERES
Dans
ce sous-chapitre», le BCRA occupe deux pages et demie. C’est bien peu
pour synthétiser les trois ouvrages cités en référence. Beaucoup de
considérations sur les personnes et leurs opinions politiques. Vu de
France c’était parfois des voix entendues périodiquement sur les ondes
de la BBC, un organisme qui attendait de nous des renseignements, qui
nous déléguait des agents porteurs de directives, nous faisait espérer
des armes (qui arrivèrent souvent bien tard) et, pour une minorité qui
eut la chance de les approcher, un DMR, des responsables des opérations
aériennes, des radios, des officiers instructeurs, plus tard une
mission interalliée.
Le Conseil National de la Résistance
précède, dans l’ordre alphabétique, la Délégation Générale qui lui
donna vie. Dans la clandestinité, beaucoup de jeunes n’ont alors guère
apprécié le retour des anciens politiques au sein du CNR. C’est
l’histoire, beaucoup plus tard, qui nous a permis de comprendre la
décision que Jean Moulin partage avec le général de Gaulle, pour des
raisons de stratégie politique extérieure. Le premier pensait doute en
conserver la maîtrise mais il fut hélas arrêté. S’il n’était pas mort,
bien des choses auraient peut-être été différentes.
Les Partis
politiques ont droit à une notice, rédigée par un historien à nos yeux
lucide et courageux (chacun sait mais il ne faut pas dire) : « … les
partis ont laissé le terrain du combat à la France Libre et aux
mouvements clandestins. L’opinion, y compris résistante, leur impute
les échecs de la III° République et la défaite. » … « Nombre d’hommes
de gauche dont Jean Moulin partagent cette suspicion. Un socialiste
comme Pierre Brossolette envisage la création d’un grand parti «
gaulliste » rassemblant l’éventail des forces résistantes. Cette
hostilité persistante sera l’un des fondements du gaullisme politique
après la libération. » Seul, malgré ses errements de 39-40 (pacte
germano-soviétique, désertion de Thorez, etc.) le parti communiste
s’engage en tant que parti, d’abord contre Vichy puis contre l’occupant
(après l’attaque de l’URSS par Hitler), créé le Front National puis les
FTP. Il y eut sans doute des socialistes, des radicaux et des
démocrates chrétiens dans la Résistance active, mais nous n’avons pas
connaissance (hors peut-être cas particulier des groupes Veny) de
maquis d’origine « politique », du CAS, du parti radical ou des
démocrates-chrétiens.
Les jeunes, dans leur grande majorité,
n’étaient pas politisés et ils ont souvent, au lendemain de la
libération, signé un engagement volontaire pour la durée de la guerre.
Les hommes des partis ont eux, investi les Comités de Libération
(c’était moins dangereux) et phagocyté la Résistance. D’où cette
fameuse phrase du chef des FFI de la R.5-D.2 ; ramenant en 1945 ses
démobilisés : « Messieurs, vous dont j’ai vu naître et grandir les
responsabilités et les honneurs … Souvenez-vous. »
Le SOE a
droit, dans le sous-chapitre « REPERES » à une notice particulière.
Elle est rédigée pat l’historien anglais Michael R.D. Foot, l’homme
sans doute le plus qualifié pour traiter le sujet. Il fait mention des
six sections qui couvrent la France, dont la section RF qui assure la
liaison avec le BCRA, et la section « F » plus connue sous le nom de
celui qui en fut le chef, le colonel Buckmaster. 1750 hommes et 50
femmes furent envoyés en France par le SOE. Il n’est pas fait mention
des différentes missions qui opérèrent sur notre territoire mais en
fonction d’ouvrages récents de diverses origines, nous distinguons
désormais assez bien celles affectées à la R.5 et aux territoires
voisins.
LES MOUVEMENTS.
Ce
sous-chapitre en recense 28, inclus les « Mouvements Unis de Résistance
» (MUR) issus du regroupement des trois principaux mouvements de zone
Sud, le « Mouvement de Libération Nationale » associant aux MUR des
mouvements de zone Nord et même « Libération Nationale » présenté comme
ancêtre de Combat. La place accordée à chacun n’est pas toujours à la
mesure de son importance. Nous avons fait état, récemment, de la
modeste implantation des mouvements dans notre département au moins
jusqu’à la création des MUR. A notre connaissance, les journaux
clandestins n’eurent pas, l’importance qu’on leur accorde.
LES RESEAUX
Ils
constituent un sujet complexe, bien difficile à maîtriser pour
quiconque n’en a pas eu la pratique. Ce que soulignent les deux
auteur(e)s : « les réseaux se caractérisent par leur complexité, leur
implication, mais aussi par leur mobilité et leur adaptabilité. » Nous
ajouterons leur technicité et leur danger. Certains demandaient parfois
un haut niveau de compétence (cas des télécommunications, des
sous-marins, de certains sites stratégiques, etc.) Il fallait aussi
transmettre les informations et les radios ont payé un très lourd
tribut. 24 réseaux seulement, inclus deux de Vichy, et d’autres
relevant des britanniques, font l’objet d’une notice. Pourquoi ? En
fonction de quels critères de sélection. En annexe le Dictionnaire
publie une liste de 175 réseaux homologués par la France Combattante,
mais sans distinction de leurs attributions (renseignements, action,
etc.) Nous y trouvons Alliance mais pas Ajax.
ORGANISATION CIVILE ET MILITAIRE DE LA RESISTANCE INTERIEURE.
Il
en est recensé 63 sur 57 pages. Problème : on y trouve apparemment tout
ce que l’on n’a pas pu caser ailleurs, par ordre alphabétique
évidemment, ce qui en complique encore l’approche. Nous avons, pour
l’analyse distingué 7 groupes :
- Services militaires ou para-militaires : NAP + deux « services « de Vichy.
- Organisations politiques et syndicales : CAS, PCF, Action ouvrière,
- Organisations caritatives civiles ou religieuses : Cimade, OSE, Cosor, etc.
- Organisations militaires de l’intérieur : AS, SNM, CFL, FTP, FFI, COMAC, etc.
- Organisations militaires de la France Libre ; BOA, COPA, SOAM, SAP, DMR etc.
- Organismes de Vichy travaillant contre les allemands : CDM, TR, etc.
- Organisations d’origine étrangères : IS, italiennes, espagnoles, allemandes, etc.
Nous supposons nos lecteurs suffisamment avertis des abréviations pour en retrouver le sens.
Nous
nous attacherons particulièrement aux organisations de la France Libre
car elles désignent pour l’essentiel, sous des appellations successives
et dans le désordre un même service : celui qui avait mission de nous
fournir des armes. L’ouvrage cité en référence est bien, à notre
connaissance, la source la plus complète et la plus fiable. Nous avons
évoqué récemment ces structures successives pour le Creuse et la R.5.
Très schématiquement, tout commence avec les trois officiers « en
mission » placés par Jean Moulin auprès des trois principaux mouvements
de zone sud, puis des régions, regroupées par deux. Le SOAM (Service
des opérations aériennes et Maritimes) naît en novembre 1942, en zone
sud, complété début de 1943, en zone Nord, par le BOA (Bureau des
Opérations aériennes) . En avril, pour des raisons de sécurité le SOAM
devient COPA (Centre d’Opérations et de Parachutages d’Atterrissages.
En juin, à nouveau pour des raisons de sécurité (arrestation de Jean
Moulin) le COPA devient SAP. (Section des Atterrissages et
Parachutages) mais pour beaucoup d’acteurs, le service conservera le
nom de COPA.
Pour nous « Kim » (Paul Schmidt) initialement
affecté en 1942, par Jean Moulin, à « Libération » puis aux régions 5
et 6 quitte le secteur en mars 43, il est remplacé en avril par « Pair
» (Groult de Beaufort.) « Laplace » (Deglise-Fabre) est envoyé en
juillet à Londres pour être formé aux fonctions de responsable des
opérations aériennes pour la R.5. Peu après son retour, il est arrêté
fin octobre et avale sa pilule de cyanure. Son successeur, « Baron »,
(Gérard Hennebert) est parachuté à la mi-janvier, bientôt suivi par le
DMR Ellipse, puis par deux officiers instructeurs (« Croc » et «
Sécateur ») et deux radios (« Parthe » et « Ruthène. ») Baron sera
arrêté à son tour en avril mais parviendra, avec son camarade « Croc »
à s’évader de la voiture de a Gestapo qui le transporte. Lors de chaque
arrestation, des adjoints ou assistants seront pris, condamnés, parfois
déportés. Pour nos éminents historiens, ce ne sont là que des faits et
des noms relevés dans un organigramme mais pour nous survivants il y a
derrière chaque nom ou pseudo une silhouette, un visage, un sourire, le
drame qui a emporté une vie. La Résistance ce fut pour nous en
parodiant Churchill « du sang et des larmes. » C’est là une des raisons
qui nous séparera toujours des visions trop intellectualisées de divers
historiens mais aussi de celles et ceux pour qui la Résistance a
d’abord été un tremplin. A ce jour, sauf erreur, il ne reste pour la
R.5, le FFL « Sécateur », le responsable COPA Creuse, et un responsable
COPA Haute Vienne.
- Les DMR : Là encore il est d’inévitables
variantes en fonction de la personnalité de ceux qui assumèrent la
fonction, de la date d’arrivée sur terrain, mais aussi des composantes
de la Résistance dans la région à laquelle ils furent affectés. La
première observation est évidente, la seconde dépend de l’accueil ou de
l’absence d’accueil des formations FTP qui, en général, ne
reconnaissaient pas l’autorité de ces responsables « gaullistes. »
Quand elles étaient armées par le SOE, c’était souvent le cas, le DMR
n’avait que peu de choses à leur apporter et elles préféraient dépendre
du COMAC que de l’EM interallié (via Koenig et le DMR.) La fonction
n’était pas de tout repos. Nos deux « voisins » (R.6 : Pyramide et B :
Hypoténuse) connurent des fins tragiques.
Le Résistant de base,
souvent au départ « réfractaire au STO » ayant rejoint un maquis et
souvent participé à de multiples opérations à caractère militaire aura
bien des difficultés à retrouver son parcours dans le Dictionnaire. Il
se rappelle sans doute qu’il a été d’abord été hébergé dans les bois ou
dans un village abandonné, parfois chez des paysans. Au début il a
surtout été en charge de corvées de toutes sortes. Il n’y avait pour
armes que quelques fusils de chasse, pistolets et/ou vieux fusils de
récupération, et il a fallu attendre longtemps un premier parachutage
dont il n’a rien vu car il avait été affecté à la garde des voies
d’accès. Il ignore certainement qu’à cette époque il dépendait du «
Service national Maquis », lequel est devenu début avril 44 «Les Corps
Françs de la Libération » (CFL) avant de devenir fin mai, FFI.
Le
Service National Maquis fait l’objet dans le Dictionnaire d’une notice
d’une page de François Marcot. En fait, un condensé de sa communication
au colloque de Besançon sur le thème « Lutte armée et Maquis. »
Communication en apparence remarquable, fondée sur des documents
d’archives, mais oubliant qu’entre le sommet et la base il y avait à
l’époque divers échelons responsables dans leur secteur (région ou
département), que la transmission pouvait connaître des aléas, que la
Résistance ne fonctionnait pas comme une administration, que les
décision-naires de base, ceux du terrain, avaient leurs priorités
lesquelles ne « cadraient » pas toujours avec les options plus ou moins
théoriques du sommet. Il y a là un nouveau point de divergences
d’appréciation entre l’histoire vécue (relayée par les archives
lorsqu’elles existent) et l’histoire savante. La remarque vaut aussi à
un moindre degré pour les directives de Vichy, surtout dans la dernière
période. Un gendarme qui ne veut pas comprendre, pas faire, par voir,
pas entendre, est capable de trésors d’imagination pour justifier son
attitude.
Nous ne retrouvons pas plus le Service Maquis de R.5
dans le condensé que dans la communication initiale publiée avec les
actes du colloque, et les réserves exprimées à Beançon demeurent. Seule
différence : en complément du vécu, nous avions alors dix ans de
recherche collective ; nous sommes à vingt mais nous n’avons rien à
changer à ce que nous écrivions alors, dont ci-après l’essentiel.
François Marcot distingue trois périodes :
- Mai-juillet 43 : Mise en place.
- Juillet-octobre : le Service Maquis tend à devenir autonome.
- Octobre 43-avril 44 : effacement du service Maquis.
Qu’en est-il en Creuse et en R.5 ?
Le
« régional Maquis » est Pierrette (Gontrand Royer), de Brive, assisté
par Claude Gérard. Claude sera arrêtée mais pas déportée. Pierrette
sera arrêté à la mi-décembre 43 et déporté, mais reviendra. Il sera
remplacé par Charlieu (Henrri Chas), qui sera ultérieurement arrêté et
déporté mais ne reviendra pas. La fonction était délicate et
dangereuse. En Creuse, est arrivé fin juillet ou début août le «
départemental » Marcel (Fleiser.) C’est un sous-officier actif et
courageux mais apparemment mal préparé à des fonctions qu’il découvre
dans un département qu’il ne connaît pas. Il sera lui aussi arrêté et
déporté début décembre et ne reviendra pas. Il est remplacé quelques
jours plus tard par François (nommé par Pierrette à la veille de son
arrestation) ; il est déjà en charge du NAP, fonction occupée en
relais du précédent titulaire, démissionnaire. (L’année 43 a été bien
douloureuse en R.5)
Qu’en est-il des directives et autres
circulaires nationales ? François est mort accidentellement en 1958
sans avoir pu écrire ses mémoires. Nous avons donc demandé au seul
départemental Maquis survivant (décédé depuis) ce qu’il en était. La
réponse a été fort édifiante : « A aucun moment je n’ai reçu d’ordre
écrit. Dans les réunions on déterminait les compétences territoriales
et on échangeait des expériences. « Nous pouvons ajouter : ce qui
correspondait bien au style de Charlieu. Ce constat n’altère en rien la
qualité de l’exposé de François Marcot. Il signifie seulement qu’entre
l’échelon national et le terrain existaient des impératifs obligeant
les « régionaux » à s‘adapter et les « départementaux » à se
débrouiller avec leurs problèmes. C’était souvent çà la Résistance. Il
faut aussi prendre en compte les tempéraments, les capacités,
l’expérience, des hommes et les moyens affectés. Les décisions et
arrangements au sommet, les stratégies savamment élaborées, devaient en
permanence affronter les réalités de la région et du département. A
quoi bon d’ailleurs pondre de belles circulaires et bâtir de savants
plans d’action quand il n’y avait pas d’armes. Ou si peu.
En
Creuse quelles sont, fin décembre 43–début janvier 44, les
préoccupations de François ? Bien peu stratégiques. Vraiment au ras des
pâquerettes (pas encore fleuries). Prioritairement accueillir,
héberger, nourrir, chausser, vêtir, les pourchassés et les volontaires.
Autant que faire se peu. Il faut de l’argent pour payer les paysans qui
ravitaillent et parfois hébergent, mais aussi pour assurer quelques
obligations sociales, donner quelques moyens de subsistance aux
familles de ceux qui sont dans la clandestinité ou parfois déjà
arrêtés, emprisonnés, déportés, voire fusillés. Il faut des tickets,
vrais ou faux, volés si nécessaire, et des bonnes volontés pour les «
honorer », c’est à dire les transformer en sucre, café, pâtes, savon,
etc., moyennant juste paiement. Il faut trouver ou faire fabriquer des
galoches, voire des sabots. Il faut trouver et se procurer, souvent
voler dans des réserves officielles, des vêtements civils ou
militaires, mais aussi des couvertures car en hiver il ne fait pas
chaud dans les cabanes ou maisons isolées. Le « Régional » ne manque
pas de bonne volonté mais il est bien démuni.
Curieusement, et
c’est là encore une remarque importante, nos jeunes historiens ne
parviennent pas à imaginer les problèmes d’intendance, parce qu’il il
ne les ont pas connus, parce qu’ils n’ont jamais eu faim et froid
Début
44, François se déplace en « pétrolette » (l’ancêtre des « mobs » de
nos petits-enfants, en beaucoup moins bien) et ses proches à vélo, à la
force du jarret. Le 8 février il doit emprunter la voiture du
commissaire de police pour se rendre au premier parachutage. Le DMR
octroie quelques subsides mais ils sont. toujours insuffisants.
L’arrivée d’armes aux « lunes » de février, mars, avril, permet
d’accueillir chaque fois de nouveaux maquisards et par voie de
conséquence créé de nouveaux besoins. C’est le cycle infernal. Il
manque toujours de l’argent, des tickets, des chaussures et des
vêtements. Il faut aussi organiser dans l’urgence un encadrement, une
mini-formation, des services : intendance, renseignement, liaisons,
transmissions, sabotages, prévoir des camps-relais, rechercher et faire
homologuer de nouveaux terrains de parachutages, transporter des armes.
Le maquis c’est l’improvisation permanente. La stratégie se limite
souvent à la préparation du lendemain.
Les grandes directives et
les savants organigrammes nous font sourire. Peut-être faudrait-il
réaliser un manuel d’utilisation des archives, apprendre à distinguer
ce qui émane du sommet et ce qu’il en reste au niveau du terrain. La
même observation vaut pour l’utilisation des archives de Vichy, de la
préfecture, de la gendarmerie, de la police que certains jeunes
chercheurs acceptent au premier degré, sans imaginer que ces services
étaient souvent noyautés. Dans notre département, que nous croyons
assez bien connaître, à partir de la mi-43 le préfet et son Secrétaire
général (qui sera arrêté) appartiennent à la Résistance de même que le
commissaire de Police et le commissaire aux RG, le capitaine commandant
la section de gendarmerie et l’adjudant-chef commandant la brigade de
Guéret. Sans oublier la commission de contrôle technique qui «
travaille » en étroite liaison avec les facteurs, les agents du tri et
le personnel du téléphone. Que valent les conclusions que pourra tirer
le chercheur non averti de la compilation des rapports de ces services ?
Pondre
des circulaires est une chose. Faire face réalités en est une autre.
Quand nous découvrons aujourd’hui certains textes de hauts «
responsables », nous avons parfois le sentiment qu’ils étaient sur une
autre planète. Nul ne nous a appris les techniques de la guérilla car
apparemment nul ne les connaissait. Nous avions des officiers de
réserve et quelques officiers d’active. Ils avaient des connaissances
militaires, ils savaient faire une certaine forme de guerre (celle
qu’ils avaient perdue) mais ils n’étaient pas formés aux combats que
nous devions mener. Il a fallu tout apprendre « sur le tas » au gré des
initiatives et des combats. A la fin, nous ne savions pas faire une
guerre classique mais nous étions devenus opérationnels dans la
guérilla. Une technique pas très chevaleresque mais efficace et
démoralisante pour un adversaire qui nous traitait en francs-tireurs,
fusillait les blessés et déportait les prisonniers. Les stages, nous
les avons faits … après la libération.
Les maquisards étaient
des volontaires qui risquaient souvent et parfois donnaient leur vie.
Pour la libération de leur pays. Ce qui, à défaut de considération,
mérite un minimum de décence dans l’appréciation de leurs actes et de
respect pour les morts.
Nous avons entendu à Besançon un éminent
historien (éminent dans sa spécialité) dire que « les maquis n’ont
servi à rien. » Il faut au moins leur reconnaître le mérite de fournir
des sujets de communications savantes, de thèses et d’ouvrages tout
aussi savants. Ce qui est gratifiant aux yeux des collègues et surtout
moins dangereux que d’affronter l’occupant d’alors, les armes à la
main. Quand à l’appréciation du rôle des maquis dans la Libération de
la France, nous préférons nous en tenir aux faits, opinions et
jugements de l’adversaire, c’est à dire aux sources allemandes,
lesquelles ne semblent guère inspirer nos éminents historiens. Nous
avons le souvenir qu’à Besançon, Eugène Martres, qui connaît le sujet
pour sa région, fut interrompu dans des conditions à la limite de la
décence.
Nous n’étions donc pas seuls à émettre des réserves vis
à vis de « l’histoire savante » qui tend à enfermer la diversité de la
Résistance dans un cadre rigide « fabriqué » à posteriori. A l’issue
des communications présentées à Besançon, s’est tenue sous la
présidence de Philippe Jautard, une table ronde réunissant d’anciens
acteurs : Lucie Aubrac (Libération), Francis Commaerts (chef de réseau
SOE), René Fallas (mouvement Lorraine), Jean Gautheron (FTP Jura),
Jean–François Munier-Pollet (Service Périclès), Serge Ravanel
(Corps-Francs des MUR. La discussion a porté, en partie sur les
rapports entre historiens et acteurs. Ci-après quelques brefs extraits :
«
Les malentendus [entre historiens et acteurs] sont difficiles à éviter
de par le décalage de formation intellectuelle, la différence d’âge,
les conditions de vie passées et actuelles. » (Jean Gautheron)
«
Elles [les tensions et oppositions] reposent aussi sur des équivoques
de vocabu-laire qui devient parfois du jargon – pardonnez-moi de le
dire, amis historiens, – votre vocabulaire est parfois ésotérique. »
«
Quand je considère maintenant le situation extrêmement délicate de ceux
qui ont débarqué en Normandie, je le dis qu’il était juste de lancer
toute la Résistance dans le harcèlement contre les forces allemandes
partout en France. » Francis Commaerts
« La bonne foi des
historiens, je la suppose entière. Ils ont fait confiance à des gens
qui les ont trompés, non pas actuellement par défaillance de la
mémoire, mais qui ont menti dès 1944. »
« Maintenant, les sources sont plus accessibles et la nouvelle génération d’historiens
peut,
en moissonnant large, en confrontant, en analysant sources diverses,
arriver à un ouvrage où les résistants se reconnaîtront. » Lucie Aubrac.
«
Ce qui me préoccupe quand je vois les sujets de certaines thèses, c’est
qu’il ne semblent faire l’objet d’aucune coordination. De grands trous
demeurent dont on ne semble pas se préoccuper. » Serge Ravanel.
ORGANISATIONS CIVILES ET MILITAIRES DE LA FRANCE LIBRE.
Il
en est recensée 36 sur 38 pages. La formule Dictionnaire (alphabétique)
aboutit parfois à de curieux découpages. « Nos » FFL de Leclerc, hélas
disparus, seraient sans doute fort surpris de voir les unités de leur
chef « saucissonnées entre les Forces Françaises libres, la
2èmedivision blindée et le Régiment de marche du Tchad, alors qu’ils se
voulaient, dès avant Koufra, le noyau d’un ensemble soudé autour d’un
seul et même homme.
- Les services des opérations aériennes
aériennes (SOE + BCRA.) déjà évoquées dans un précédent chapitre) ont
joué un rôle essentiel car sans armes, il n’y avait pas de Résistance
possible. Les deux organisations doivent toutefois être étudiés
séparément. Concernant le « Service Action » et spécialement les
parachutages, les appellations ont évolué au fil du temps, ce qui
n’autorise pas à faire l’impasse sur les hommes, spécialement les
radios qui ont payé le plus lourd tribut. En R.5 le responsable COPA
Laplace, arrêté, usa de sa pastille de cyanure, deux mois après son
retour de Londres. Son successeur, Baron fut lui aussi arrêté mais
parvint à s’échapper le la voiture de la Gestapo lors d’un transfert.
L’équipe R.5 eut des déportés.
Ce sont ces services, auxquels le
Dictionnaire n’attache qu’une importance très relative, qui furent
(avec les pilotes des escadrilles spécialisées) les pourvoyeurs en
armes de la Résistance.
- Les missions « Jedburgh » Elles
étaient comme le prouve leur ordre de mission « détachées auprès des
DMR. » Là aussi, la personnalité du chef de mission était très
importante. C’est elle qui déterminait ses relations avec le DMR, avec
le responsable militaire du secteur et ses rapports avec Londres, sans
oublier sa connaissance ou sa méconnaissance de la Résistance. Les «
Jedburgh » étaient en général mieux dotés que les DMR en moyens radio
et mieux formés dans le domaine militaire. Ils ont eu chez nous
(R.5-D.2), peut-être en fonction de la personnalité de son chef Rewez
(Jacques Robert), un rôle plus important, que dans d’autres
départements.
TERRITOIRES ET REGIONS. LES TERRITOIRES DE LA RESISTANCE.
Le
chapitre comporte 80 pages. C’est beaucoup et bien peu si l’on
considère que la Résistance s’organisa en régions, lesquelles, pour la
zone sud, correspondaient aux découpages administratifs de Vichy et à
celui, des allemands. Nous avons déjà dit ce que nous pensions des
nouveaux « charcutiers » qui ont au mépris de la réalité entrepris
d’adapter, 60 ans après les faits, les régions de la Résistance aux
nouvelles limites administratives. La R.5 se trouve amputée du Cher
sud, de l’Indre, de quelques localités du Loir et Cher, d’une partie de
l’Indre et Loire, d’une partie de la Vienne et de la Charente et de la
quasi-totalité de la Dordogne. Exit donc la R.5. Le Limousin est réduit
à ses trois départements d’aujourd’hui. Curieuse conception de
l’Histoire !!!
Le texte publié dans le Dictionnaire est de
Pascal Plas. Il n’occupe que deux pages et il doit être bien difficile
de condenser la Résistance en Limousin sur ce maigre espace. L’auteur
connaît bien le sujet et est d’ordinaire mieux inspiré. 7 noms
seulement sont cités : Michelet, Guingouin, Rousselier (Rivier),
Malraux, Tanguy-Prigent, le résistant allemand Gerhart Léo et le consul
de Suisse à Limoges Jean d’Albis. Guingouin est évidemment de
personnage principal. André Malraux, sauf erreur ne se manifesta
(tardivement) qu’en Dordogne, c’est à dire hors Limousin.) Il aurait
participé à la reddition de Brive ? Inexact à notre à connaissance.
Tanguy Prigent (6) séjourna un certain temps en Creuse mais il n’était
ni Creusois, ni Limousin. Il y fut manifestement très discret. Son rôle
dans la Résistance en Creuse, au sens que nous donnons à ce terme,
spécialement à l’époque considérée, appelle des réserves. Il était
relativement jeune (Né en 1909, comme le chef des FFI)), il se trouvait
dans le secteur de la 2ème Cie Franche dont le chef aurait pu lui
fournir les moyens de s’affirmer les armes à la main. Par contre il se
manifesta au lendemain de la libération dans une voiture ministérielle,
encadrée de motards. Quant à Jean D’Albis il fut bien partie à la
négociation en vue de la reddition de l’EMP de Limoges mais c’était …
fin août 1944.
« Le 7 juin 1944, l’unité de commandement est
dans la région 5 sous la direction de Maurice Rousselier, colonel
Rivier. Dans l’effervescence générale, certaines formations passent à
l’attaque des villes : Guéret le 7 juin, Tulle le 8. Ces premières
libérations se déroulent alors que la division blindée SS fait route
vers le Limousin où elle doit frapper un grand coup pour venir à bout
de la Résistance ; elle reprend Tulle dès le 9 et fait pendre 99 otages
et en fait déporter 149. A Guéret les forces allemandes reprennent
aussi la ville mais épargnent la population. Un bataillon de la
division Das Reich abat cependant 31 maquisards au Poteau de
Combeauvert. »
NDLR. Nous avons quelques peines à penser que
Pascal Plas ait pu signer ce texte. Il est d’ordinaire précis, avec
même une tendance à multiplier les renvois aux sources. Il est
évidemment trop jeune pour avoir vécu la période mais il acquit
beaucoup de connaissances, en fréquentant les archives et en
participant aux multiples colloques traitant de la Résistance,
spécialement à celui du 7 juin 2004 à Guéret sur Les villes libérées au
moment du débarquement, mais, retenu, il n’était pas le 12 à Tulle pour
celui traitant de La libération définitive des villes. Un ou deux
appels téléphoniques lui auraient évité de fâcheuses erreurs. Pour
mémoire : L’unité de commandement n’était que théorique le 7 juin 1944
et en la matière il ne faut pas oublier le rôle du DMR. L’attaque
contre Tulle est du 7 et non du 8. Contrairement à Guéret, où les
objectifs avaient été atteints le même jour, en début d’après-midi, par
la reddition de la garnison, l’attaque de Tulle ne concerna que les
seuls FTP et ne bénéficia pas de l’appui des autres formations. Elle
n’était pas terminée le 8 au soir, lors de l’arrivée d’un détachement
de la Das Reich. Ce n’est pas par hasard, mais pour des raisons bien
précises que Guéret ne subit pas de représailles. Ce n’est pas un
bataillon mais seulement une compagnie qui procéda au massacre de
Combeauvert. Toute erreur est humaine mais en la circonstance les
principales auraient dû être évitées. Question : Qui a proposé ou «
imposé » Tanguy Prigent lequel n’était pas Creusois et pourquoi ? Notre
plus grand regret : Que Pascal Plas ait accepté de se commettre dans la
mutilation de la réalité en acceptant un découpage qui trahit la
réalité des faits.
4 – HOMMES ET FEMMES . COMBIEN ETAIENT-ILS ?
Les
chercheurs quelque peu avertis savent qu’il a été délivré environ 200
000 cartes de CVR et un peu plus de 50 000 cartes de Combattant au
titre de la Résistance, ce qui correspond à un total d’environ 260 000
résistants « officiels. » Il y eut sans doute des résistants
authentiques qui ne demandèrent rien et ne furent en conséquence pas «
reconnus » et des résistants « officiels » aux mérites quelques peu
limités qui le furent. Les responsables du Dictionnaire ont admis, dans
une conception plus large, un chiffre global de 500 000 Résistants mais
ont limité à 235 le nombre de ceux méritant une notice biographique.
Pourquoi 235 seulement ? Pourquoi pas 500 ? ou 1 000 ? Pour limiter la
pagination ? C’est un choix éditorial qui sera sans doute source de
bien des déceptions et frustrations. Par ailleurs, ce qu’ils ont fait
après la libération, ce qu’ils sont devenus et les fonctions qu’ils ont
pu occuper ne devaient pas être pris en compte pour leurs mérites
résistants.
Sur ces 235 aucun Creusois mais deux personnalités
qui y avaient des attaches : Marc Bloch et Pierre Bourdan, et une
troisième qui y trouva une mort brutale : Jacques Chapou (Kléber.) La
notice concernant Marc Bloch a été rédigée par Jean-Marie Guillon
(Faculté d’Aix-Marseille) et justifie une appréciation positive. Celle
consacrée à Pierre Bourdan est due à Aurélie Luneau, (Docteur en
histoire, sans autre précision.) Elle cite trois sources dont
évidemment Ici-Londres, mais elle doit être trop jeune pour avoir
écouté Pierre Bourdan sur les ondes de la BBC. La notice consacrée à
Chapou-Kléber est de Pierre Laborie qui connaît bien le Lot dont est
originaire Chapou. L’historien s’est intéressé aux événements de Tulle
et aux conditions de la mort tragique de Kléber, le 16 juillet, à
Bourganeuf. Appréciation positive.
Suggérer en complément, le
nom d’un responsable creusois, nous ferait taxer de chauvinisme.
Jacques Robert (Cdt Rewez), Compagnon de la Libération, chef de la
mission interalliée Bergamote parachutée en Creuse et dont les
activités antérieures sont bien connues aurait à nos yeux mérité une
place. On aurait de même pu penser à Paul Rivière, lui aussi Compagnon,
(qui ne fit que deux brefs passages en Creuse) mais joua un rôle
essentiel dans l’organisation des actions aériennes (parachutages) pour
R1 puis pour toute la zone sud et aux proches de Jean Moulin que furent
Paul Schmidt (Kim), Fassin et Montjarret. Tous sont cités dans le
chapitre traitant de leurs activités (Réseaux pour Rewez) opérations
aériennes (Service Action) pour les autres et leurs noms figurent dans
l’index. De nombreux résistants auraient sans doute aussi aimé trouver
mention du Colonel (britannique) Vérity qui commanda l’escadrille des
Lysanders et participa à de nombreuses missions.
Le Limousin,
hors Creuse, n’est pas mieux considéré. Seul, Georges Guingouin a fait
l’objet d’une notice, rédigée là encore par Pierre Laborie, qui connaît
bien le sujet. Il utilise le conditionnel pour évoquer le retard pris
par la division Das Reich dans sa marche vers le front de Normandie.
Retard bien réel dans lequel Guingouin eut sa part mais il faut,
semble-t-il, associer toute la Résistance en R.5.
Il est
toujours difficile, dans ce type de sujet, de faire un choix. Il nous
semble cependant que les « politiques » et d’une manière plus générale
celles et ceux qui ont ultérieurement, à des titres divers, plus ou
moins occupé le devant de la scène, ont plus attiré l’attention des
rédacteurs du Dictionnaire que les modestes. Simple illustration,
concernant la R.5 : André Malraux. L’index fait mention de 19
citations, ce qui ne ressort pas de la courageuse notice biographique
que Pierre Laborie consacre à ses activités résistantes.
La
liste des DMR se trouve reléguée en « annexe », sans commentaires.
Peut-être eut-il été souhaitable de préciser que plusieurs sont morts
en mission, tels nos voisins de R.6 (Courson) et B (Bonnier.) On peut
aussi s’étonner de ne pas trouver, au moins sous forme de liste ou de
cartes, les noms des chefs départementaux et régionaux des FFI au 6
juin 1944 avec, le cas échéant, les noms de ceux qui les ont précédés
dans la fonction mais ont été fusillés ou déportés.
Notes
(1) Université de Franche Comté. Besançon.
(2) Directeur historique de la Fondation de la Résistance.
(3) Directrice du Mémorial du Maréchal Leclerc et du Musée Jean Moulin
(4) Robert Laffont. Collection « Bouquin ». 2006
(5) Voir Jean-Pierre Azéma. De Munich à la Libération. Seuil.
(6) Dans la notice biographique que lui consacre Christian Bougeard, historien respecté de la Bretagne, Tanguy Prigent, ancien député socialiste ayant voté contre les pleins pouvoirs à Pétain, se voit attribuer de multiples activités contre Vichy et spécialement, la Corporation paysanne. Il aurait été un des fondateurs de Libération-Nord en Bretagne ce qui est dans la logique de cette formation. Il en serait devenu le chef en mai 44, (donc après son séjour en Creuse) et participé aux combats de juillet-août [après la percée d’Avranches} dans la région de Morlaix. Nommé ministre de l’agriculture en septembre. Il avait eu 30 ans en 1939. Ces faits n’altèrent pas notre opinion. Il n’avait pas à être mentionné parmi les personnalités de la Résistance en Limousin.