Les Artisans de la paix — Comment Llyod George, Clemenceau et Wilson ont redessiné la carte du monde, Margaret MacMillan, Paris, éditions Jean-Claude Lattès, 2006, 660 p.
Par AG le mardi 21 juin 2011, 08:02 - Nous avons lu - Lien permanent
Difficile de dissocier les deux guerres mondiales qui ont tragiquement
marqué le XXe siècle.
Le Traité de Versailles fut-il un diktat pour les Allemands ?
Et que dire des autres peuples ?
Car les « artisans de la paix » avaient des
objectifs inconciliables.
Le livre de Margaret MACMILLAN est devenu un ouvrage de
référence ; impossible de comprendre les années 1920, 1930 sur le plan des
relations internationales si l’on ne fait pas l’effort de suivre ce que furent
les conditions des négociations du traité de paix qui devait mettre fin à
toutes les guerres.
Un court extrait, mais ce livre est tellement riche qu’il serait nécessaire de citer des pages et des pages.
« [p. 619] Dans les cabarets berlinois on plaisantait
sur un ouvrier qui, dérobant des pièces détachées d’un landau de bébé,
découvrait en les assemblant qu’il venait de fabriquer une mitrailleuse. Un peu
partout en Europe, dans les pays neutres comme la Hollande et la Suède, des
sociétés dont la propriété était allemande en dernière analyse travaillaient à
la construction de tanks et de sous-marins. L’endroit le plus sûr, le plus à l’abri
de la curiosité des membres de la commission de contrôle, c’était l’Union
soviétique : en 1921 ces deux pays parias découvrirent qu’ils pouvaient se
rendre de mutuels services. En échange de l’espace et du secret qui entourerait
ses expériences sur les tanks, les avions et les gaz asphyxiants, l’Allemagne
offrit aux Soviétiques une assistance technique et la formation de
spécialistes.
Quand les historiens se penchent sur les détails, comme ils
le font de plus en plus, il apparaît que le tableau d’une Allemagne écrasée par
une paix rancunière et injuste est indéfendable. L’Allemagne perdit en effet
des territoires, c’était une conséquence inévitable du fait qu’elle avait perdu
la guerre. Si elle l’avait gagnée, on doit se souvenir qu’elle aurait à coup
sûr saisi la Belgique, le Luxembourg, une partie du nord de la France et une
fraction substantielle de la Hollande. Le traité de Brest-Litovsk, d’autre
part, révélait quelles étaient les intentions du haut commandement allemand à
propos des frontières orientales. Malgré ses pertes, l’Allemagne demeura,
pendant 1’entre-deux-guerres, le plus grand pays de l’Europe à l’ouest de l’Union
soviétique. Sa position stratégique s’était améliorée significativement par
rapport à l’avant-guerre. Avec la renaissance de la Pologne, une barrière se
dressait maintenant contre la vieille menace d’une invasion russe. À la place
de l’Autriche-Hongrie, l’Allemagne n’avait plus sur sa frontière orientale que
des États faibles qui se disputaient entre eux. Comme le montra la décennie
1930, l’Allemagne était bien placée pour leur imposer sa puissance économique.
Certes la séparation de la Prusse orientale du reste du pays
était une source d’irritation, mais cette séparation n’avait rien d’une
innovation dans l’histoire de la Prusse, laquelle au cours d’une grande partie
de son existence s’était trouvée formée de portions de territoires
discontinues. D’ailleurs de telles séparations doivent-elles nécessairement
provoquer des difficultés ? L’Alaska est séparée du reste des États-Unis par un
gros morceau du Canada. À quand remonte la dernière crise entre Washington et
Ottawa à propos des droits de passage ? »