Un regard allemand sur l’exécution de Guy Môquet


Officier de l’administration militaire d’occupation à Paris de 1941 à 1944, l’écrivain allemand Ernst Jünger ne s’est pas contenté de rédiger ses célèbres Journaux de guerre. Sur ordre du général Otto Edwin von Stülpnagel, chef des forces d’occupation allemandes en France, il rédigea également un mémoire sur « La question des otages » (Die Geiselfrage). L’éditeur allemand Klett-Cotta en a publié lundi 24 octobre la première édition commentée. Elle est préfacée par le réalisateur Völker Schlöndorff. Ce dernier vient d’en tirer un film, Das Meer am Morgen (La mer à l’aube).

Le mémoire d’Ernst Jünger rend notamment compte du drame de l’exécution de 48 otages français, le 22 octobre 1941, à Châteaubriant. Elle avait été ordonnée par Hitler en représailles au meurtre d’un haut gradé de la Wehrmacht, le lieutenant-colonel Karl Hotz. La plupart des fusillés étaient des militants communistes. Et le plus jeune d’entre eux n’avait que 17 ans : il s’agissait de Guy Môquet, dont la dernière lettre est désormais lue dans les établissements scolaires chaque 22 octobre. Le nom de l’adolescent avait été ajouté à la liste par les militaires allemands afin de renforcer l’effet dissuasif de la mesure sur les résistants français.

 Ernst Jünger, traducteur de Guy Môquet

Un aspect de cette tragédie est cependant resté peu connu : quelques jours après l’exécution, Ernst Jünger traduisit en allemand la fameuse lettre de Guy Môquet, ainsi que celle des autres fusillés. « Ni moi, ni personne en France ne le savait », souligne Völker Schlöndorff dans sa préface. Or, ajoute le réalisateur, cette traduction est édifiante. Car, si Jünger s’en tient au fait dans son rapport, sa traduction laisse, elle, transparaître ses émotions. Il corrige, par exemple, la langue maladroite des otages, dont la plupart étaient des ouvriers. Ou bien il transcrit la formule de Guy Môquet « je vais mourir » par « ich stehe vor dem Tode » (au lieu de « ich werde sterben »), note Schlöndorff.

Le mémoire de Jünger décrit également les intrigues et lutte de pouvoir entre la Wehrmacht et la SS, ainsi qu’avec l’ambassadeur. Il trahit, en outre, le dilemme et les interrogations du général von Stülpnagel à l’égard des exécutions. Alors qu’Hitler en avait d’abord exigé 150, le gouverneur militaire de Paris est cité par Jünger en ces termes : « ce n’est pas ainsi que nous gagnerons le cœur de la France. N’oubliez pas que nous administrons l’ensemble du pays avec 1 200 officiers en tout et pour tout ».

 Film de Völker Schlöndorff

Völker Schlöndorff s’est directement inspiré de ce texte, reflet de la vision allemande des tragédies de l’Occupation. Ayant lui-même passé son adolescence près de Vannes, en Bretagne, à partir de 1956, il s’est senti particulièrement concerné par le récit de l’exécution des otages de Châteaubriant. En 2011, il est ainsi revenu dans cette région où il a grandi pour tourner, Das Meer am Morgen (La mer à l’aube), dont il a également écrit le scénario.

Cette coproduction franco-allemande de 90 minutes, réalisée pour Arte met en scène Ulrich Matthes dans le rôle d’Ernst Jünger. Marc Labé, Léo Paul Salmain et Jean-Pierre Darroussin sont également à l’affiche. La musique est signée Bruno Coulais, rendu célébre par le film Les Choristes. Le film n’est pas encore sorti en salle.

En savoir plus (en allemand) :

Éditions Klett-Cotta :
http://www.klett-cotta.de/buch/Juenger/Zur_Geiselfrage/16007

Film de Völker Schlöndorff :
www.volkerschloendorff.com
© CIDAL
Beschreibung

Ernst Jüngers Denkschrift über die Geiselfrage aus dem Jahr 1942
Zwischen Oktober 1941 und Februar 1942 brachte Ernst Jünger als Hauptmann die Denkschrift über die deutschen Geiselerschießungen in Frankreich heimlich zu Papier. Er sollte im Auftrag des Militärbefehlshabers Otto von Stülpnagel das Verhältnis von Paris zur Partei in Berlin dokumentieren. Zugleich gibt die der Denkschrift beigefügte Übersetzung Jüngers von Abschiedsbriefen zum Tode verurteilter Geiseln einen erschütternden Einblick in die Folgen von Repression und Gewalt für die französische Zivilbevölkerung.
»Mit politischem Blick, souveräner Sachkenntnis und minuziöser Kleinarbeit« verfasst (Hans Speidel), führt die Schrift auf diese Weise ins Zentrum einer Situation, in der man – so Jünger rückblickend – »eigentlich nur Fehler machen kann, ob man handelt oder nicht handelt«.

Ernst Jüngers »Zur Geiselfrage« erscheint im Oktober mit einem
Vorwort von Volker Schlöndorff. Der Film »Das Meer am Morgen« von Volker Schlöndorff wird auf der Buchmesse in Frankfurt voraufgeführt. Weitere Informationen finden Sie bei unseren News

Klett-Cotta Mit einem Vorwort von Volker Schlöndorff
1. Aufl. 2011, 160 Seiten, gebunden mit Schutzumschlag, 8 Seiten Tafelteil
ISBN: 978-3-608-93938-5