Du maquis creusois à la Bataille d’Alger Albert Fossey dit François – De la résistance à l’obéissance, Christian Penot, L’Harmattan, 2014 - 328 pages
Par AG le lundi 29 septembre 2014, 18:22 - Nous avons lu - Lien permanent
De la résistance à l’obéissance
Christian Penot, L’Harmattan, 2014 - 328 pages
Celles et ceux qui nous font l'honneur de lire régulièrement le bulletin de notre association savent que Christian Penot est, depuis la disparition de René Castille, l'un des historiens les plus actifs du département de la Creuse pour tout ce qui concerne l'histoire de la Résistance dans notre département.
Fruit de longues recherches patientes, Christian Penot nous livre aujourd'hui une biographie d'Albert Fossey, François.
Laissons Christian présenter cet ouvrage :
Se lancer dans cette aventure était une gageure. Je me suis pourtant attelé à ce travail de reconstitution du puzzle de la vie d’un des personnages les plus connus de l’histoire contemporaine de la Creuse mais paradoxalement peut-être un des plus méconnus. Rien ne prédisposait cet enfant de Normandie à connaître pareil destin. Sa vie durant, Albert Fossey aura été un homme d’engagement suscitant la controverse.
Né dans une famille très modeste
du bocage Bessin, Albert doit affronter très jeune les difficultés de la vie. Son père gravement
blessé durant la Première Guerre
mondiale décède en 1920 laissant
son épouse en charge de ses quatre enfants.
Le jeune garçon doit donc apporter
sa contribution à l’entretien de la famille.
Bon élève, ses maîtres (l’instituteur et le curé du village) vont chacun tenter
de l’attirer vers «
la carrière ».
Finalement, le curé l’emporte provisoirement avec son entrée à l’institution Sainte- Marie de Caen. Assoiffé de connaissance, Albert Fossey n’a pas la vocation. Il rompt avec l’institution religieuse et entre à la faculté de lettres. Il assume seul la charge de ses études en donnant
des cours et en encadrant
des colonies de vacances. Il obtient
finalement le baccalauréat et une licence ès lettres. Ce parcours
est loin d’être banal pour un fils de journalier.
Son diplôme en poche, Albert Fossey « monte à Paris». Sa vie professionnelle est très active et l’amène à côtoyer le Tout Paris des lettres lorsqu’il travaille dans l’édition. Il se marie en 1934 et aura deux
enfants. Durant cette période, une autre partie de sa vie
connaît un bouleversement considérable. Les secousses
des années trente
correspondent à son adhésion
au parti socialiste SFIO, au syndicat
du livre et au Grand Orient de France. L’ancien
séminariste devient donc un militant
laïc et républicain, adhérant au courant philosophique humaniste, professant les idées de progrès social
et de rupture avec l’ordre établi des socialistes. En 1936, il est président
du comité de Front populaire d’Orsay. En 1938, il anime, avec d’autres militants, une
auberge de jeunesse
dans la même ville. Mais son activité
débordante n’est pas du goût de tous, et la même année il perd son emploi
à la suite d’un mouvement de grève. Chômeur, ses recherches d’emploi entraînent
son
arrivée en Creuse.
Il devient en 1939 directeur commercial de la coopérative «Les Presses du Massif Central». Par sa connaissance du milieu de l’édition, il contribue fortement au développement de l’activité librairie au sein de l’entreprise qui jusque-là était surtout
spécialisée dans la papeterie. Après la désastreuse campagne de France,
il est de retour en Creuse. Il entre très tôt en relation
avec les dissidents, et adhère au mouvement Libération en novembre 1941 grâce à deux enseignants. Son dynamisme et son activité soutenus entraînent sa prise de responsabilités dans plusieurs domaines
dont les maquis des Mouvements Unis de la Résistance (MUR) en décembre 1943. Il est finalement nommé lieutenant-colonel et chef départemental des FFI
de la
Creuse et du Cher zone
sud
en mai et juin 1944. Durant les
durs combats de la Libération, il parvient
à fédérer l’ensemble des sensibilités de la Résistance départementale sous son autorité. Avec l’aide des missions alliées, les forces rassemblées parviennent à libérer
le territoire creusois
le 25 août 1944. Dès lors les maquisards qui le souhaitent contractent un engagement
pour la durée de la guerre.
Albert Fossey-François prend lui aussi cette direction, mais de manière définitive.
Il part avec une unité composée en grande partie de Creusois
sur le front de l’Atlantique où les Allemands tentent
de s’accrocher aux ports qu’ils
ont fortifiés. Une nouvelle mission attend cette unité en Algérie lors des premiers
craquements de l’Empire colonial français en mai 1945. La plupart des soldats
rentrés dans leurs foyers, Albert Fossey-François fait le choix d’entrer
dans les unités aéroportées en cours de structuration en 1946. Dès lors il est officier
parachutiste et connaît tous les champs de bataille
de l’Indochine à l’Algérie en passant par la Tunisie et le canal de Suez. Il joue également un rôle important dans ce qu’on appelle à l’époque
« l’action psychologique » qui devient la guerre antisubversive. Ces théories sont misent en pratique notamment durant la bataille d’Alger au cours de laquelle
Albert Fossey- François est l’un des colonels du général Massu à la tête du 2e régiment de parachutistes coloniaux
(2e
RPC). Revenu en métropole début 1958, il commande le groupement d’instruction des parachutistes coloniaux
quand il trouve la mort au cours d’un meeting aérien qui se déroule le 14
septembre 1958 à
Mérignac.
Tout travail de recherche
constitue une véritable
entrée dans un labyrinthe dans lequel il est nécessaire d’explorer les recoins. Même s’il arrive souvent de déboucher
sur des impasses
et s’il est nécessité
de s’orienter régulièrement vers d’autres voies. La biographie est encore plus exigeante, car l’empathie inévitable que l’on peut éprouver pour le personnage étudié peut rapidement entraîner une dérive vers l’hagiographie. Je me suis attelé à ce travail avec passion
et en cherchant toujours à garder la distance
nécessaire, en tentant de répondre
à une question posée en 1944 par le rédacteur d’une notice biographique parue dans l’hebdomadaire des FFI creusois
« L’embuscade »: Qui est François ?
Albert Fossey n’était
pas un personnage ordinaire. Doué d’une vive intelligence et d’un
solide sens de l’humour, il était
comme tous les hommes au fort tempérament et pouvait
parfois être très dur. Mais
tous ceux qui l’on
côtoyés peuvent témoigner qu’il ne laissait personne
indifférent.
Depuis la seconde
guerre mondiale le personnage d’Albert Fossey a cristallisé de nombreuses passions. On ne peut pourtant
pas réduire cette personnalité à l’un ou l’autre des aspects
de sa vie. J’espère avoir contribué à faire entrer
dans l’histoire celui que les creusois
initiés appellent
François.