dans une famille très modeste du bocage Bessin, Albert doit affronter très jeune les difficultés de la vie. Son père gravement blessé durant la Première Guerre mondiale décède en 1920 laissant son épouse en charge de ses quatre enfants. Le jeune garçon doit donc apporter sa contribution à l’entretien de la famille. Bon élève, ses maîtres (l’instituteur et le curé du village) vont chacun tenter de l’attirer vers « la carrière ».

 

Finalement, le curé l’emporte provisoirement avec son entrée à l’institution Sainte- Marie de Caen. Assoiffé de connaissance, Albert Fossey n’a pas la vocation. Il rompt avec l’institution religieuse et entre à la faculté de lettres. Il assume seul la charge de ses études en donnant des cours et en encadrant des colonies de vacances. Il obtient finalement le baccalauréat et une licence ès lettres. Ce parcours est loin d’être banal pour un fils de journalier.

 

Son diplôme en poche, Albert Fossey « monte à Paris». Sa vie professionnelle est très active et l’amène à côtoyer le Tout Paris des lettres lorsqu’il travaille dans l’édition. Il se marie en 1934 et aura deux enfants. Durant cette période, une autre partie de sa vie connaît un bouleversement considérable. Les secousses des années trente correspondent à son adhésion au parti socialiste SFIO, au syndicat du livre et au Grand Orient de France. L’ancien séminariste devient donc un militant laïc et républicain, adhérant au courant philosophique humaniste, professant les idées de progrès social et de rupture avec l’ordre établi des socialistes. En 1936, il est président du comité de Front populaire d’Orsay. En 1938, il anime, avec d’autres militants, une


auberge de jeunesse dans la même ville. Mais son activité débordante n’est pas du goût de tous, et la même année il perd son emploi à la suite d’un mouvement de grève. Chômeur, ses recherches d’emploi entraînent son arrivée en Creuse.

 

Il devient en 1939 directeur commercial de la coopérative «Les Presses du Massif Central». Par sa connaissance du milieu de l’édition, il contribue fortement au développement de l’activité librairie au sein de l’entreprise qui jusque-là était surtout spécialisée dans la papeterie. Après la désastreuse campagne de France, il est de retour en Creuse. Il entre très tôt en relation avec les dissidents, et adhère au mouvement Libération en novembre 1941 grâce à deux enseignants. Son dynamisme et son activité soutenus entraînent sa prise de responsabilités dans plusieurs domaines dont les maquis des Mouvements Unis de la Résistance (MUR) en décembre 1943. Il est finalement nommé lieutenant-colonel et chef départemental des FFI de la Creuse et du Cher zone sud en mai et juin 1944. Durant les durs combats de la Libération, il parvient à fédérer l’ensemble des sensibilités de la Résistance départementale sous son autorité. Avec l’aide des missions alliées, les forces rassemblées parviennent à libérer le territoire creusois le 25 août 1944. Dès lors les maquisards qui le souhaitent contractent un engagement pour la durée de la guerre. Albert Fossey-François prend lui aussi cette direction, mais de manière définitive.

 

Il part avec une unité composée en grande partie de Creusois sur le front de l’Atlantique les Allemands tentent de s’accrocher aux ports qu’ils ont fortifiés. Une nouvelle mission attend cette unité en Algérie lors des premiers craquements de l’Empire colonial français en mai 1945. La plupart des soldats rentrés dans leurs foyers, Albert Fossey-François fait le choix d’entrer dans les unités aéroportées en cours de structuration en 1946. Dès lors il est officier parachutiste et connaît tous les champs de bataille de l’Indochine à l’Algérie en passant par la Tunisie et le canal de Suez. Il joue également un rôle important dans ce qu’on appelle à l’époque « l’action psychologique » qui devient  la guerre antisubversive. Ces théories sont misent en pratique notamment durant la bataille d’Alger au cours de laquelle Albert Fossey- François est l’un des colonels du général Massu à la tête du 2e régiment de parachutistes coloniaux (2e RPC). Revenu en métropole début 1958, il commande le groupement d’instruction des parachutistes coloniaux quand il trouve la mort au cours d’un meeting aérien qui se déroule le 14 septembre 1958 à Mérignac.

 

Tout travail de recherche constitue une véritable entrée dans un labyrinthe dans lequel il est nécessaire d’explorer les recoins. Même s’il arrive souvent de déboucher sur des impasses et s’il est nécessité de s’orienter régulièrement vers d’autres voies. La biographie est encore plus exigeante, car l’empathie inévitable que l’on peut éprouver pour le personnage étudié peut rapidement entraîner une dérive vers l’hagiographie. Je me suis attelé à ce travail avec passion et en cherchant toujours à garder la distance nécessaire, en tentant de répondre à une question posée en 1944 par le rédacteur d’une notice biographique parue dans l’hebdomadaire des FFI creusois « L’embuscade »: Qui est François ?


Albert Fossey n’était pas un personnage ordinaire. Doué d’une vive intelligence et d’un solide sens de l’humour, il était comme tous les hommes au fort tempérament et pouvait parfois être très dur. Mais tous ceux qui l’on côtoyés peuvent témoigner qu’il ne laissait personne indifférent.

 

Depuis la seconde guerre mondiale le personnage d’Albert Fossey a cristallisé de nombreuses passions. On ne peut pourtant pas réduire cette personnalité à l’un ou l’autre des aspects de sa vie. J’espère avoir contribué à faire entrer dans l’histoire celui que les creusois initiés appellent François.