71e anniversaire du massacre du Bois du THOURAUD

Maisonnisses - 7 septembre 2014
L’analyse du drame par la Gestapo
    Comme chaque année, la Creuse se réunit lors d’une émouvante cérémonie du souvenir au pied du monument de granit inauguré le dimanche 7 septembre 1947, élevé à la mémoire des combattants déportés ou tués par les hordes nazies.
Au Thouraud, il y a 71 ans, sept jeunes étaient massacrés et trouvèrent dans un combat inégal une mort cruelle mais glorieuse sous les balles et les grenades d’un détachement de troupes de choc.
Huit de leurs camarades sont transférés à la Gestapo de Limoges, torturés, déportés.
Le rapport de la Gestapo de Limoges ci-dessous (AD 87), daté du 9 septembre 1943, prouve que nous sommes en présence d’une opération de police allemande, Gestapo/parachutistes allemands en formation au camp de La Courtine. Ce document infirme la légende d’une intervention de la Wehrmacht. En effet, les « fantassins de l’air de la Luftwaffe » mentionnés étaient des commandos spéciaux à l’entrainement et en formation depuis peu au Camp de La Courtine. Il s’agit de parachutistes du type de ceux qui ont sauté sur la Crète, en Méditerranée, au printemps 1941, appelés « corps spécial de Goering ».
Les jeunes résistants ont fait face à des hommes fanatisés et surentrainés.
Le maquis du Bois du Thouraud, un des premiers de la Creuse, formé grâce à l’aide de la population, a préparé la Libération, une libération que la France ne voulait pas attendre passivement.
Les nazis le détruisent, sans doute pour faire passer un avertissement, un message de terreur. Ce massacre est, avec celui de Combeauvert, commis par les SS de la division Das Reich, un des drames les plus marquants de la Résistance en Creuse. Cliquer sur le lien suivant :
Rapport Gestapo Limoges Bois du Thouraud

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Il faut rappeler (cf La Creuse pendant la Seconde Guerre mondiale de Guy Avizou, Christophe Moreigne et Pascal Plas) que pour la fin août 1943, les archives indiquent qu’une importante formation de la Luftwaffe est en résidence à La Courtine. Jusque-là aucun incident n’avait eu lieu avec les troupes d’occupation et celles-ci faisaient peu sentir leur présence en Creuse. « La mort de 7 jeunes gens dont trois étaient de Guéret, tués par les Allemands à Sardent, le 7 septembre, a causé dans la population une vive hostilité à l’égard des troupes d’opération »
Dès le 8 septembre 1943, le chef d’escadron de gendarmerie Rivals, commandant la compagnie de gendarmerie de la Creuse, rédige un rapport sur « l’opération de police » au Bois du Thouraud, rapport repris et complété le jour même par le préfet de la Creuse afin de rendre compte au chef du gouvernement, ministre de l’Intérieur, et au préfet régional (source : Arch. dép. Creuse).
Voici le contenu de ces pièces :
« Le 7 septembre 1943 à 7h30, un détachement de troupes allemandes […] d’une centaine d’hommes, venus de La Courtine et de Limoges au moyen de 4 véhicules, a effectué une opération de police contre un groupe de réfractaires dans les bois du Thouraud, communes de Sardent et de Maisonnisses.
Tous les réfractaires du groupe ont été tués ou capturés.
SEPT MORTS :
1. BRUNET Gabriel, né à La Chapelle-Taillefert (Creuse) habitant Sardent (Creuse) ;
2. CAVARNIER Georges, né à Paris, en résidence à Villejaleix, commune de Sardent
(Creuse) ;
3. COLOMB John-Allan, ressortissant américain, né le 7 avril 1922 à San Francisco, domicilié à Guéret ;
4. NOUHAUT Jacques, né et domicilié à Guéret (Creuse) ;
5. VERBECKE Bernard, 70 Rue de Bayeux à Caen (Calvados) ;
6. MAITRE Jean, 34 Rue du Champ d’Epreuves à Corbeil (Seine et Oise) ;
7. JANVIER Roger, né et domicilié à Guéret.
SIX PRISONNIERS :
1. DOLLET Henri (Chef du groupe) conducteur des Ponts et Chaussées – Chemin des Coutures, à Caen (Calvados) ;
2. DUBREUIL Marcel, de Maisonnisses (Creuse) ;
3. GUIZARD Marcel, de Guéret ;
4. AUREIX Émile, de Sainte-Feyre (Creuse) ;
5. ELVRET Roger, de Paris [en fait, il s’agit de RICHE Roger] ;
6. VAN DEN EDEN Georges, de Paris.
De plus, deux habitants de la commune de Sardent : JULIEN Henri, du hameau de La Feyte, et VINCENT André, du hameau des Quatre Vias, ont été emmenés avec les prisonniers. L’opération a pris fin à 10 h 30 après que les troupes allemandes eussent fait sauter l’abri des réfractaires, ensevelissant les cadavres. Les corps transportés au hameau de La Feyte ont été mis à la disposition des parents. Cet événement a produit dans toute la région la plus profonde émotion. La population dont l’indignation est grande reste cependant calme. Il a été établi que ce groupe de réfractaires avait à son actif les récents attentats commis dans la région [batteuses de Sardent et Savennes]. »

Par ailleurs, le préfet résistant Vasserot signale que les soldats qui avaient participé à l’opération se sont comportés comme suit au cours du retour à leur cantonnement :
« 1. Au lieu-dit « La Côte Verte », à la sortie d’Aubusson [en direction de La Courtine], ils ont menacé les habitants de leurs fusils.
2. Environ 2 km plus loin, à proximité de la ferme Graff sise à Charasse, 4 explosions ont été entendues à la suite d’un jet de grenades. Sur la même route un nouveau lancement de grenades a été, en outre, exécuté sur la personne d’un enfant de 12 ans qui gardait un troupeau. Trois projectiles ont éclaté, mais fort heureusement l’enfant n’a pas été touché.
3. Aux abords d’une autre ferme appartenant à Monsieur Couchoux, 2 ou 3 autres grenades ont été lancées par les troupes allemandes. ».

Christophe Moreigne

NB1 : Les tous premiers rapports (gendarmerie) indiquent que les soldats étaient des « SS », erreur non reprise après à partir du 12 septembre 1943, et qui s’explique sans doute par la tenue de combat très particulière (jamais vue auparavant) des parachutistes.
NB2 : La déportation a été le sort de 6 jeunes résistants fait prisonniers au bois du Thouraud, et de 2 habitants du hameau de La Feyte arrêtés par la Gestapo venue de Limoges : André VINCENT, Henri JULIEN, ravitailleurs et soutiens du maquis, et donc pleinement résistants.